in: IMI/DFG-VK: Kein Frieden mit der NATO

La domination mondiale par le contrôle des flux

Le rôle de l’OTAN dans la militarisation des migrations

von: Christoph Marischka | Veröffentlicht am: 4. Januar 2009

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Ce texte éclaire divers aspects qui, dans la stratégie de l’OTAN, restreignent la liberté de circulation des personnes et contribuent à une militarisation des régimes des États frontières tout autour du globe. L’auteur entend se démarquer de quelques notions utilisées dans ce contexte et méprisantes pour l’Homme, telles que « flux migratoires », « Youth Bulge » (poussée démographique de la jeunesse) et « Surplus Population » (population surnuméraire). Ces notions ne sont pas de nature à décrire comme il convient les décisions individuelles, les situations de détresse ou leurs conséquences – sauf à vouloir dominer le monde et, pour ce faire, analyser les tendances démographiques à l’échelle continentale comme le fait l’OTAN.

L’opération Active Endeavour

Juste après les attentats du 11 septembre 2001 et pour la première fois dans son histoire, l’OTAN mettait en œuvre la clause de défense mutuelle et du même coup se lançait effectivement dans une guerre contre un ennemi invisible et abstrait, le terrorisme international. L’un des aspects de cette guerre globale consiste pour l’OTAN à déployer sa flotte méditerranéenne qui, depuis lors, patrouille en Méditerranée dans le cadre de l’opération Active Endeavour pour surveiller la navigation commerciale. Jusqu’en novembre 2007, 88 590 navires ont été contactés, 488 accompagnés et 125 contrôlés dans le cadre de cette mission. Une vidéo de propagande de l’OTAN intitulée « Defence Against Terrorism » illustre le déroulement de ces inspections : plusieurs navires de guerre font mouvement vers l’objet ciblé – un pétrolier en l’occurrence –, survolé par des hélicoptères embarquant des mitrailleuses et leurs serveurs. Le navire est contacté par radio et interrogé sur sa provenance, son chargement et sa destination. Ces indications sont rapprochées des données de l’« intelligence network » de l’OTAN. Des inspections sont effectuées en cas d’incohérences, mais aussi sur un principe aléatoire. L’équipage doit se rassembler sur le pont, des soldats de l’OTAN vêtus de gilets pare-balles embarquent sur des pneumatiques et montent à bord du navire en pointant leurs armes. Ils jettent un coup d’œil sur les journaux de bord et le chargement, arpentent les couloirs et les salles du pétrolier. De tels contrôles en mer ne sont admissibles qu’en état de guerre, effectivement proclamé en Méditerranée lorsque l’OTAN a fait jouer le mécanisme de solidarité militaire, aujourd’hui encore en vigueur. Officiellement, l’opération Active Endeavour a pour but d’empêcher l’irruption de terroristes en Europe, mais surtout d’armes et de substances de combat transitant par la Méditerranée. En outre, ces contrôles comportent des recherches « non spécifiques ». Les soldats cherchent à se faire une image du navire et sont attentifs à tout ce qui est suspect. « Jusqu’ici, toutes les inspections se sont avérées négatives », est-il dit dans le film, « en d’autres termes, nous n’avons jamais découvert d’armes ou de matériel suspect ». Sans qu’il faille toutefois sous-estimer l’effet préventif de l’opération. Ce déploiement militaire en Méditerranée vise à intimider les équipages des navires et à les contraindre à une obéissance obséquieuse. Ce qui implique notamment d’inspecter le chargement avec minutie, de se montrer intraitable envers les passagers clandestins et, dans le doute, de ne pas secourir des réfugiés sur une embarcation en perdition. En effet, le sauvetage de naufragés en Méditerranée a déjà entraîné plusieurs plaintes contre les équipages des navires. Du moins l’ambassadrice des États-Unis à Malte tente-t-elle d’accréditer l’efficacité de la militarisation de la Méditerranée – l’une des plus importantes frontières extérieures de l’UE et un espace séparant les deux rives d’un des plus importants différentiels de richesse au monde – comme faisant partie d’une stratégie de retranchement de l’UE à l’encontre de migrants indésirables. L’opération Active Endeavour aurait un « effet secondaire utile » : « Dans la partie occidentale de la Méditerranée, là où a débuté la mission, les migrations clandestines ont été réduites de 50 %. »[1] Il est toutefois douteux d’y voir la principale raison d’être de l’opération, qu’il faut davantage rechercher dans un objectif à long terme : maîtriser militairement les flux de marchandises, d’informations et de personnes qui, aux yeux des stratèges de l’OTAN, constituent essentiellement le monde globalisé qu’il s’agit ainsi de dominer. Le terrorisme est actuellement le principal prétexte avancé pour justifier cet objectif – en Méditerranée et ailleurs.

Une Afrique hérissée de frontières

De même, c’est largement par hasard que l’OTAN, qui avait initialement choisi la Mauritanie pour effectuer ses premières manœuvres officielles en Afrique en 2006 (Steadfast Jaguar), s’est rabattue sur les îles Cap-Vert, d’où le nombre de réfugiés embarqués vers les Canaries avait peu avant monté en flèche en raison précisément du verrouillage progressif de la Méditerranée. L’intérêt de l’OTAN pour la côte ouest-africaine est en premier lieu motivé par les ressources naturelles qui s’y trouvent et par les terminaux des oléoducs du Nigéria et de la République centrafricaine.[2] La côte du Nigéria en particulier est vue comme un « point chaud » de la piraterie, et des escadres navales internationales ont donc pour mission de mieux la contrôler pour garantir un approvisionnement sûr et bon marché du Premier Monde en pétrole du Tiers-Monde. Mais là encore, on risque d’interpréter trop étroitement les intérêts de l’OTAN en ne pensant qu’au pétrole. Un an plus tard, en juillet 2007, une partie de la flotte méditerranéenne de l’OTAN a contourné toute l’Afrique pour « démontrer la capacité de l’OTAN à garantir la sécurité et le droit international en haute mer. »[3] La flotte a longé la côte ouest-africaine, affirmé visiblement sa présence dans le delta du Niger puis filé vers l’Afrique du Sud pour un exercice conjoint avec la marine de ce pays. Enfin, les navires de guerre ont visité les Seychelles, et avant de regagner la Méditerranée par le canal de Suez, ils ont effectué des manœuvres au large de la Somalie – où d’ailleurs des bâtiments de l’OTAN croisent en permanence, depuis 2001 là aussi, dans le cadre de l’opération Enduring Freedom.

Par ailleurs, dans le cadre de l’initiative « Africa Partnership Station » lancée par la marine des Etats-Unis, des navires de guerre américains font régulièrement escale dans des ports d’Afrique occidentale pour effectuer des exercices conjoints ou dispenser des formations aux garde-côte et aux marines respectives. Cette initiative vise à « améliorer l’aptitude des nations participantes à étendre à la mer le règne du droit et à mieux combattre la pêche illégale, la traite d’êtres humains, le trafic de drogue, le vol de pétrole et la piraterie ».[4] Bien que ces missions soient strictement américaines a priori, les forces des États-Unis empruntent presque toujours les bases de l’OTAN en Europe pour opérer en Afrique, nombre de bâtiments engagés y ont leur port d’attache et font temporairement partie d’escadres de l’OTAN. L’UE aussi est militairement active en Afrique occidentale et souhaite élargir son engagement, jusqu’ici limité à la Guinée-Bissau. Elle motive son action par le trafic de drogue qui partirait de cette région et par le peu de fiabilité des forces de sécurité. En réformant les polices et les armées des pays concernés, en installant sa propre technologie de surveillance, elle aspire à mieux surveiller les ports et les aéroports.[5] En effet, les carrefours internationaux qui ne sont pas sujets à son propre contrôle sont perçus comme une menace en soi pour la sécurité européenne.

Hormis l’endiguement des migrations, la lutte contre la drogue est un autre but poursuivi par le projet espagnol Sea Horse Network. Il consiste pour l’essentiel à transmettre aux organes de sécurité intéressés des photographies de la côte ouest-africaine prises en temps réel par des satellites européens, mais il comprend aussi des programmes de formation des forces de sécurité engagées dans la gestion des frontières.[6] Les États-Unis projettent dans presque tous les États africains des programmes similaires placés sous le signe du contre-terrorisme. La sécurisation des frontières en Afrique est considérée comme l’instrument majeur de la guerre contre le terrorisme. Serait-ce simplement parce qu’en soi les États dits « en échec » passent pour être un repaire et une base de repli de terroristes, la plaque tournante d’armes (de destruction massive), et parce que le contrôle de ses propres frontières, du point de vue de l’Occident, est l’un des attributs essentiels de l’étatité. Mais aussi parce des analyses semblent avoir montré que des États très instables offraient certes des possibilités de financement et de recrutement à des groupes terroristes dont les réseaux doivent toutefois s’appuyer sur un minimum d’infrastructure (et donc sur des États un peu plus stables) pour opérer à l’échelle internationale. C’est pourquoi une grande importance est également reconnue aux frontières intérieures africaines.[7] Quoi qu’il en soit, les franchissements incontrôlés des frontières, ce qui est la normale entre nombre de pays africains, sont perçus comme une menace. Il s’agit donc d’y faire obstacle grâce à des programmes tels que la Pan Sahel Initiative (PSI, rebaptisée par la suite Trans-Sahara Counter Terrorism Initiative ­– TSCTI) dans le cadre de laquelle le Tchad, le Niger, le Mali et la Maurétanie ont reçu des formations et des équipements pour la protection des frontières.[8] Par là-même, les États-Unis vont au-devant de l’Union européenne qui, dans les mêmes pays et en particulier en Afrique du Nord, s’efforce de boucler les frontières interafricaines pour les migrants potentiels vers l’UE. Les initiatives américaines, tout d’abord dirigées de Stuttgart par le Commandement européen de l’armée américaine (EUCOM), le sont désormais par l’AfriCom (Centre de commandement militaire des Etats-Unis pour l’Afrique), basé auprès de l’EUCOM et tout aussi étroitement imbriqué dans l’OTAN.

Une Eurasie hérissée de frontières

En tout état de cause, l’OTAN a fait sienne, dans le cadre de son programme « Partnership for Peace » (PfP), l’argumentation esquissée ci-dessus : « Les frontières sont une des premières lignes de défense contre le terrorisme. »[9] Conçu en 1994 pour des candidats potentiels à l’adhésion dans les Balkans et la Baltique, cet instrument sert pourtant aujourd’hui à l’OTAN de levier d’influence jusque dans les profondeurs de l’espace asiatique. Dans le cadre du PfP, l’OTAN pousse ses partenaires – même les États qui ne pourront jamais en devenir membres – à remodeler leur secteur de sécurité et donc la protection de leurs frontières conformément à ses propres vues, ainsi qu’à coopérer avec des organisations internationales comme l’International Organization for Migration (IOM) ou Interpol. Le module du PfP chargé de lutter contre le terrorisme (PAP-T) prévoit l’échange d’informations entre services secrets sur la criminalité et les transferts de fonds transnationaux, ainsi que la formation et l’équipement des autorités nationales de protection des frontières. L’École de l’OTAN d’Oberammergau ainsi que les centres de formation du PfP en Grèce et en Turquie proposent des cours sur la « sécurisation des frontières » qui, de manière explicite, portent aussi sur les moyens de faire obstacle aux migrations « clandestines ».[10] De même, le Centre européen George C. Marshall de l’OTAN à Garmisch organisait par exemple, en avril 2007, une conférence de cinq jours sur l’échange de best practices dans la protection des frontières, avec la participation de représentants de 26 membres de l’OTAN et États partenaires.[11] De plus, l’OTAN organise l’échange d’informations sur les itinéraires migratoires, entre partenaires réciproquement et avec des organisations internationales. Elle prend ainsi une part directe dans l’aménagement du régime politique de pays frontières tels que la Moldavie, mais aussi le Tadjikistan, l’Ousbékistan et l’Azerbaïdjan. En Asie centrale, la « sécurisation des frontières » est l’un des points forts de son action.[12] Interrogé sur les futures missions de l’OTAN, Peter W. Singer de la Brookings Institution répondit en mentionnant notamment l’expérience acquise par l’Alliance en exportant la sécurisation des frontières dans les Balkans et en Asie centrale. L’OTAN ne doit pas se restreindre aux fonctions militaires classiques, mais au contraire assurer aussi davantage de « nouvelles fonctions de sécurité ».[13]

En matière de gestion des frontières, l’OTAN a effectivement accumulé dans les Balkans une expérience considérable, quoique pas toujours glorieuse. Tous les États des Balkans (à l’exception du Kosovo) sont ou ont été partenaires du programme PfP, ils ont conformé leur secteur de sécurité, protection des frontières comprise, aux attentes de l’OTAN, ou sont en train de le faire. Au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine, l’OTAN a elle-même assuré dans l’intervalle la protection des frontières dans le cadre de missions militaires d’occupation, puis a participé directement à la mise sur pied d’unités de protection des frontières constituées de personnels locaux. De concert avec l’UE et l’OSCE, elle a par ailleurs engagé le processus d’Ohrid en 2003 pour mieux sécuriser les frontières, améliorer la coopération entre les garde-frontière des États des Balkans occidentaux et adapter leurs régimes de migration aux exigences de l’UE.

De même, l’OTAN est impliquée dans un durcissement et une militarisation de la surveillance des frontières dans la région de la mer Noire qui, selon les dires d’Ilkka Laitinen, le directeur de Frontex, est un des points chauds des migrations clandestines et un futur champ d’action de cette Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’UE[14]. De même, l’OTAN attache à cette région une énorme importance stratégique, non seulement parce que sa propre zone d’influence confine ici à celle de la Russie et que les exutoires de plusieurs oléoducs se situent en mer Noire, mais aussi parce que l’OTAN considère la mer Noire comme une zone par laquelle transitent sans contrôle des personnes, des armes et des stupéfiants – en particulier à partir de l’Afghanistan. Raison pour laquelle elle entendait étendre à cette région son engagement Active Endeavour décrit ci-dessus, mais elle a échoué sur l’opposition de la Russie et de la Turquie. Au lieu de cela, ces deux pays ont entamé leur propre opération, Black Sea Harmony, sur le modèle de Active Endeavour.[15] Auparavant, ils avaient aussi participé, du moins passagèrement, à l’opération méditerranéenne de l’OTAN pour en étudier les pratiques.

De concert avec le quartier général des États-Unis pour l’Eurasie et l’UE, l’OTAN élabore en outre une stratégie la mettant à même d’intervenir dans les coopérations de sécurité dans l’espace de la mer Noire. Deux initiatives méritent une mention particulière : au sein de la SECI (Southeast European Cooperation Initiative) basée à Bucarest, 24 fonctionnaires des douanes et des polices de tous les États balkaniques, de Hongrie et de Moldavie travaillent ensemble sous la « conduite et l’assistance » d’Interpol et de l’Organisation douanière mondiale. Cette coopération s’est par exemple soldée en 2004 par l’arrestation de 500 « passeurs ». Au siège du Black Sea Border Coordination and Information Center (BBCIC) établi en Bulgarie, les garde-côte de six pays riverains de la mer Noire échangent des informations presque quotidiennes. L’OTAN escompte désormais renforcer ces deux centres situés sur le territoire de deux de ses membres et inciter d’autres États riverains à adhérer par les techniques évoluées de renseignement qu’elle pourrait leur fournir. Les États-Unis envisagent, par le déploiement de drones et la transmission de renseignements, de peser notamment sur la politique ordonnatrice de la Russie en mer Noire.[16]

Les migrations, traduction d’une politique sociale indigente

Que ce soit en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo : partout où l’OTAN a procédé à des occupations militaires et participé à la construction de nouveaux États, elle était avant tout guidée par des aspects sécuritaires ou des intérêts stratégiques. Économiquement parlant, ces États ont été édifiés sur une idéologie strictement néolibérale. La mise en place de systèmes de prévention sociale a été sciemment ignorée dans l’espoir d’attirer des investissements étrangers directs, lesquels pourtant se souvent fait vainement attendre ou ont pu rapatrier les bénéfices vers l’étranger dans une proportion de presque 100 %.[17] Dans le même temps, des milliards étaient investis dans la mise sur pied de nouvelles polices, armées et unités de garde-frontière. Conséquence, des catégories de population paupérisées et sans perspective aucune sont d’autant plus vulnérables aux idéologies révolutionnaires de tout type, contraintes de gagner leur pain dans le secteur informel ou criminel, ce qui par ricochet requiert à long terme une pacification militaire. Le Kosovo est sans doute l’exemple le plus flagrant d’un État né des bombardements effectués par l’OTAN pour faire prévaloir ses propres intérêts géopolitiques, mais ne pouvant survivre économiquement, dont le taux de chômage des jeunes s’élève à 75 % et le taux de pauvreté officiel à 40 % de la population.[18] La communauté internationale a depuis longtemps abandonné l’espoir d’un développement économique pouvant répondre à la forte croissance démographique. Même la transformation du lignite en électricité – « unique potentiel économique » du Kosovo – ne pourrait générer dans des meilleures conditions qu’un maximum de 20 à 30 000 emplois par an, alors que 36 000 jeunes sont lâchés année après année sur le marché du travail. « Pression migratoire », jusqu’ici contenue militairement, notamment par les mesures décrites ci-dessus. Mais en 2007, l’Institut de politique européenne, s’appuyant sur des informations des services secrets, mettait en garde contre des « soulèvements de type révolutionnaire » provoqués dans les années à venir par cette détresse économique. Dans les années passées, certaines voix se sont donc élevées pour faire valoir des raisons de sécurité et réclamer l’attribution facilitée de visas à de jeunes Kosovars qui pourraient alors travailler à l’étranger et venir en aide à leurs familles par l’envoi de devises. Toutefois, le Centrum für Angewandte Politikforschung (CAP) mettait les choses au point : « Cela suppose l’application effective d’accords de rapatriement du côté des États occidentaux des Balkans ».[19]

Le péril démographique

La composition de la population a désormais fait son entrée dans les analyses des risques et les stratégies de sécurité occidentales. Une menace très sérieuse est vue dans le « Youth Bulge » [20], terme désignant une proportion particulièrement forte de jeunes (hommes) dans la population totale, survenant notamment quand l’espérance de vie augmente grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène ou des soins médicaux, alors que le taux de natalité d’une société ne diminue pas en proportion, ce qui est le cas de nombreux pays arabes. Si les politiques n’ont pas la volonté ou la capacité – par exemple du fait d’une faible conjoncture ou de programmes d’ajustement néolibéral – de développer les infrastructures publiques en conséquence (jardins d’enfants, écoles, construction de logements, équipements sociaux), il y a un risque d’apparition d’une « Surplus Population » [21], d’une population surnuméraire. « Demographic trends affect urbanisation, crime and terrorism » – les évolutions démographiques ont une incidence sur l’urbanisation, la criminalité et le terrorisme.[22] Raison pour laquelle même des officiers de haut rang de l’OTAN, dans leur proposition pour une nouvelle stratégie de l’OTAN, identifient la « démographie » – « croissance et évolutions de la population autour de la planète » – comme le premier de six « principal challenges », ou défis fondamentaux posés à la « communauté globale ». Les risques ne sont pas seulement liés à la croissance de la population dans le monde arabe et en Afrique, mais aussi à la contraction et au vieillissement démographiques de l’Europe ; « la Russie devra [en raison du recul démographique] lutter davantage pour la maîtrise de ses immenses territoires ».

La domination mondiale par voie d’interdiction

Globalement, les auteurs du projet stratégique de l’OTAN brossent un sombre tableau d’une mondialisation qui a généré « une complexité au-delà de la prévisibilité » et précisément des menaces de même nature. « Être préparé à l’imprévisible sera l’un des défis majeurs des prochaines années. » Et aucun pays n’est jugé capable de répondre seul à ces défis. Il s’agit donc de faire de l’OTAN renouvelée une « Alliance de démocraties » instaurant « une vaste zone commune de sécurité collective entre la Finlande et l’Alaska », institution le mieux à même de former le noyau d’une future « architecture de sécurité » globale.[23]

Cette prétention à dominer le monde s’exprime d’abord (et traditionnellement) par l’activité de la marine de l’OTAN qui cherche à contrôler durablement les principaux goulets d’étranglement du commerce international en mer et dans un ensemble multinational.[24] L’interdiction, « c.‑à‑d. le contrôle et l’interruption de la circulation des personnes et des marchandises »[25] à grande échelle, est la mission classique de la marine. Dans un univers globalisé et gros de périls imprévisibles (catastrophes climatiques, épidémies, émeutes, exodes ou grèves) et qui de surcroît a déclaré la guerre au terrorisme, il ne suffit toutefois pas de contrôler les navires containers. Toute protection d’usine et tout poste frontière fait alors partie de l’architecture de sécurité. De l’avis de stratèges militaires, l’interdiction est donc l’une des missions essentielles de futures forces armées.

Pourtant, les armées de l’OTAN ne peuvent ni ne doivent surveiller chaque poste frontière et chaque tronçon côtier (des forces « plus civiles » convenant d’ailleurs mieux pour aborder des bateaux de pêche, des navettes et des touristes) ; mais il leur faut veiller à ce que les contrôles aient effectivement lieu et en influencer les modalités. Ainsi, l’OTAN affiche sa présence au large de l’Afrique occidentale, tandis que les États-Unis et l’UE y forment des gendarmeries. C’est pourquoi l’OTAN appuie des coopérations locales telles que la SECI et le BBCIC, conseille des fonctionnaires des douanes d’Asie centrale et d’Europe occidentale, contrôle des tankers en Méditerranée. En parallèle, Frontex coordonne l’action de ses membres, des ministères de la Défense, services secrets et garde-côte respectifs. Afin qu’aucun cotre de pêche ne se risque plus à la traversée et qu’aucun pneumatique ne débarque subrepticement en Europe.

Remarques:

[1] A Potential for growth, Vanessa Macdonald dans une interview de Molly Bordonaro, ambassadrice des États-Unis à Malte, http://malta.usembassy.gov/

[2] Martin Pabst : External Interests in West Africa in : Brigadier Walter Feichtinger, Gerald Hainzl : Sorting Out the Mass – Wars, Conflicts, and Conflict Management, Études et Rapports sur la politique de sécurité par l’Académie autrichienne de Défense nationale, 1999.

[3] NATO naval force sets sail for Africa, NATO-News du 30 juillet 2007.

[4] http://en.wikipedia.org/wiki/Africa_Partnership_Station (13 janvier 2009).

[5] Christoph Marischka : Was kostet Guinea-Bissau? (Que coûte la Guinée-Bissau ?), Telepolis du 13 juin 2008, et : EU plant weiteres Engagement in Westafrika (L’UE prévoit d’élargir son engagement en Afrique occidentale), kritische Online-AG Neue Kriege du 14 novembre 2008.

[6] Indra will deploy a communications channel for information exchange regarding illegal inmigration and drug trafficking, communiqué de presse de l’entreprise Indra Sistemas S.A. du 9 mai 2008.

[7] Jessica R. Piombo : Terrorism and U.S. Counter-Terrorism Programs in Africa – An Overview, in : Strategic Insights, volume VI, 1ère édition (janvier 2007).

[8] Ibid. Concernant les programmes et les coopérations menés par les États-Unis dans presque tous les pays de la Terre pour lutter contre les stupéfiants, le document suivant en donne un précieux aperçu : US Department of State: International Narcotics Control Strategy Report 2008, http://www.state.gov/documents/organization/102583.pdf

[9] The Partnership Action Plan against Terrorism – How does cooperation work in practice? Nato-Topics du 30 janvier 2008.

[10] Ibid.

[11] Marshall Center border security conference focuses on best practices, communiqué de presse du George C. Marshall European Center for Security Studies d’avril 2008.

[12] Alexander Catranis: NATO’s Role in Central Asia, in: Central Asia and the Caucasus 5/2005.

[13] New Thinking on Transatlantic Security: Terrorism, NATO, and Beyond, discours de Peter W. Singer lors du « Workshop on Transatlantic Challenges » de la Fondation BMW Herbert Quandt le 26 novembre 2002.

[14] Déclaration d’Ilkka Laitinen pendant une manifestation de la Commission européenne au « Europäisches Haus » de Berlin le 19 mai 2008.

[15] Eugene Rumer / Jeffrey Simon : A Euro-Atlantic Strategy for the Black Sea Region, National Defense University / Institute for National Strategic Studies Staff Analysis, janvier 2006.

[16] Ibid.

[17] Concernant en particulier l’exemple de l’Afghanistan, cf. Jürgen Wagner : Neoliberaler Kolonialismus – Protektorate, Aufstandsbekämpfung und die westliche Kriegspolitik (Colonialisme néolibéral – Protectorats, répression des soulèvements et politique de guerre occidentale), in : Widerspruch 53 – Weltordnung, Kriege und Sicherheit.

[18] Institut für Europäische Politik (IEP) : Operationalisierung von Security Sector Reform (SSR) auf dem westlichen Balkan (Opérationnalisation de la Security Sector Reform (SSR) dans les Balkans occidentaux), janvier 2007.

[19] Dominik Tolksdorf : Der westliche Balkan nach dem Ahtisaari-Vorschlag – Handlungsfelder auf dem Weg in die EU (Les Balkans occidentaux après la proposition d’Ahtisaari – Champs d’action sur la voie vers l’UE), Fondation Bertelsmann / CAP : Reform-Spotlight 1/2001.

[20] US Departement of the Army: Army Modernization Strategy 2008, http://downloads.army.mil/docs/08modplan/Army_Mod_Strat_2008.pdf

[21] Cette notion provient du Rapport du Programme UN-HABITAT « The Challenge of Slums » de 2003. Elle a été reprise de manière critique par Mike Davis dans Planet of Slums (Verso, 2006). Dans un genre comparable : Zygmunt Bauman : Wasted Lives – Modernity and Its Outcasts, Polity Press, 2004.

[22] Général en retraite Klaus Naumann, entre autres : Towards a Grand Strategy for an Uncertain World: Renewing Transatlantic Partnership, http://www.csis.org/media/csis/events/080110_grand_strategy.pdf

[23] Ibid.

[24] Lothar Rühl : Nicht nur eine Definitionsfrage – deutsche Sicherheitsinteressen in Afghanistan (Plus qu’une question de définition – Intérêts de sécurité allemands en Afghanistan) in : Strategie & Technik 50 (2007).

[25] Stephan Böckenförde : Sicherheitspolitischer Paradigmenwechsel von Verteidigung zu Schutz (Changement de paradigme dans la politique de sécurité, de la défense à la protection) in : Europäische Sicherheit, août 2007.